Wednesday 10 March 2010

La Chambre Philharmonique and Emmanuel Krivine successfully reviewed in the French magazine Telerama: they receive 4 ffff.

Conducteur de l’Impériale

«La 9e rabâchée, la 9e détournée, mais la 9e libérée»: Emmanuel Krivine rééclaire le monument de Beethoven.





Certains chefs-d’oeuvre sont si rebattus qu’ils semblent ne plus réserver la moindre surprise. Avec son final exultant sur l’«Ode à la Joie» de Schiller, la 9e symphonie de Beethoven fait partie de ces monuments culturels régulièrement convoqués pour rehausser la pompe de moments solennels de l’histoire – célébration de l’Europe ou chute du mur de Berlin. Quel frisson d’inattendu éprouver encore à l’écoute d’une musique tellement rabâchée, et si souvent détournée, à des fins parasitaires, de sa stricte obédience symphonique?

Il ne faut pourtant jamais désespérer des ressources insoupçonnées d’une partition, ni de la sagacité imprévisible de certains interprètes, capables d’une approche spontanément singulière et inventive.

Le chef Emmanuel Krivine et ses musiciens de la Chambre philharmonique, sur leurs instruments d’époque, appartiennent à cette élite de slalomeurs en hors-piste, rompus à déjouer les écueils du convenu ou du conventionnel. Dès l’emballement de l’allegro maestoso initial, ils ouvrent un sillage de lumière – un motif de croches martelées avec une vigueur si inhabituelle, un relief si incisif, qu’il nous rappelle brusquement le thème péremptoire du destin dans la 5e, nous suggérant du même coup une réflexion insolite. Et si, dans cette 9e qu’il avait si longuement mûrie, au point de soupçonner qu’elle serait peut-être son testament, Beethoven avait récapitulé en filigrane ses symphonies précédentes – dans le scherzo, la frénésie dansante de la 7e, dans l’andante, le recueillement élégiaque de la «Pastorale» ? Une manière de faire le plein de puissance, en puisant dans des réserves d’énergie antérieures. Beethoven peut ensuite lancer les troupes instrumentales et vocales du finale comme une armée de libération. Clamées avec une jubilation vertigineuse, les dernières mesures semblent saluer le soleil se levant un 2 décembre sur la plaine d’Austerlitz, faisant de cette interprétation impériale et impérieuse un pur trophée.

GILLES MACASSAR

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